Café agro valorisation de productions diversifiées

Café agro valorisation de productions diversifiées

Une quarantaine de participants s’est retrouvée le 31 mars 2022 au lycée agricole du Valentin pour échanger sur la thématique de la valorisation de productions diversifiées. La matinée s’est clôturée avec la visite de l’atelier de transformation du Valentin et le magasin de producteurs ‘La musette de Valentine’ sur le site du lycée. Avec les témoignages de : Celia Creff (Agrilocal et Chambre d’Agriculture 26), Emma Caschetta (Terre Adélice), Guillaume Fichepoil (Lycée du Valentin), Cyril Vignon (maraîcher, La Musette de Valentine), Céline El Boukili (Ctifl), Luc Destombe (Celabio), David Page (INRAE)

Pourquoi parler valorisations ? Parce que le développement de vergers plus diversifiés (pour répondre aux enjeux d’agroécologie et du changement climatique) s’accompagne d’une production de fruits divers en petites quantités, parfois de manière irrégulière, voire avec des standards de qualité ne correspondant pas à ceux des circuits longs.

Ceci incite à innover et à diversifier également pour la valorisation des fruits ? Comment ?

La valorisation prend du temps, il ne faut pas sous-estimer ce volet et l’inclure dès la conception de sa parcelle. Diversifier son verger en multi-production, c’est plus complexe à tous les niveaux : bien sûr, il faut il faut maîtriser la technique de production de différentes espèces et variétés mais également commercialiser ses fruits viades circuits adaptés aux différentes productions (volume, qualité)... De nouvelles espèces peuvent être à valoriser en frais ou en transformation, voire pour des usages non alimentaires (santé, esthétique).

L’étalement des récoltes des différentes espèces sur plusieurs mois peut permettre de valoriser des outils de transformation tout au long de la saison (ex. séchoirs). Et penser collectif avec des outils partagés (matériel, logistique) pour gérer les apports de fruits aux clients permet d’optimiser cette valorisation en mutualisant le temps et/ou les investissements.

Ce Café Agro avait pour objectif de faire un tour d’horizon d’initiatives et de modes de valorisation locaux ou plus larges.

  • Vendre des fruits en circuit court, en frais ou transformés : la Ferme du Valentin

Guillaume Fichepoil nous explique les spécificités de la Ferme du Valentin, qui se situe en ville, et qui valorise principalement en vente directe: 50t de fruits sont produits par an, et vendus en circuits courts (Magasin de producteur la Musette de Valentine*, Celabio*, restauration collective).

Une partie des fruits est transformée sur le site dans l’atelier du lycée, qui gère de petites quantités et avec une visée pédagogique pour les étudiants (fabrication de jus de pommes, purées de fruits, confitures pour la restauration collective). Ils travaillent également sur de l’innovation de produits.

Le lycée a un projet d’un nouvel atelier de transformation qui pourra gérer des quantités plus importantes, avec deux objectifs : valoriser les produits de l’exploitation, et proposer ses services pour les agriculteurs sur le territoire. Il pourra créer des purées de fruits, confitures, coulis... avec possibilité de travailler sur des petits volumes.
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  • Les acheteurs des circuits longs ont également des créneaux pour le local

Céline El Boukili explique que 75% des fruits et légumes (F&L) sont vendus en grande distribution en France même si cette proportion peut être localement beaucoup plus faible (ex. dans la Drôme). La grande distribution s’approvisionne directement auprès de producteurs, ou via des grossistes, ou encore via un système d’approvisionnement propre (plateforme). Les magasins primeurs sont principalement approvisionnés par des grossistes. La restauration commerciale et hors domicile a son propre mode de fonctionnement.

Il existe différents opérateurs qui achètent des F&L : producteurs qui vendent en direct, coopératives, producteurs qui passent par des expéditeurs, centrales d’achat, grossistes, restauration collective... et des opportunités en grande distribution.

La grande distribution inclut des distributeurs intégrés (ex. Carrefour, Casino) qui regroupent leurs achats, et des distributeurs plus indépendants (ex. Intermarché, Leclerc, Système U) dont les structures peuvent plus facilement s’approvisionner en direct, avec un lien de proximité.

Seulement 5% de fruits et légumes sont vendus en circuit court, mais dans la Drôme, c’est beaucoup plus !

  • Se regrouper pour vendre en magasin de producteurs

Cyril Vignon est maraîcher en AB à Loriol. Il est président du magasin de producteurs ‘La musette de Valentine’, qui a ouvert en 2010 et propose des fruits et légumes frais, de la viande et des produits transformés. Il y a 14 associés, qui ont des parts dans le GIE (statut GIE car ferme de lycée), et qui font des permanences en fonction de leur chiffre d’affaires. Il y a également 2 salariés. Pour avoir le statut en vente directe, il faut toujours qu’un producteur soit présent dans le magasin. Il y a également 30 dépôt-vendeurs, qui proposent des productions secondaires (miel, poisson, raisin, asperges…).

  • Se regrouper pour vendre de plus gros volumes

Luc Destombe est agriculteur et président de l’association Celabio, qui regroupe des agriculteurs produisant des fruits et légumes en AB en vue de livrer les magasin AB de la région. L’objectif est de regrouper l’offre et la demande, et de mutualiser les frais logistiques. Le principe est simple : affichage d’une mercuriale (et promos éventuelles ou lots spécifiques) chaque semaine, commande des magasins par mail, préparation des commandes dans chacune des fermes, collecte avec tournée sur toutes les fermes et livraison groupée aux magasins 2 fois par semaine.

Cela permet de fournir des volumes importants si besoin, et de mutualiser la logistique.

  • Se mettre en lien avec des acheteurs publics

Celia Creff nous explique le fonctionnement de la plate-forme Agrilocal : un site internet mettant en contact des acheteurs publics (collèges, hôpitaux, EPAHD) et des agriculteurs, artisans alimentaires et transformateurs du territoire, dans l’objectif de relocaliser l’approvisionnement pour la restauration collective. Cette commercialisation est considérée comme circuit court, car il n’y a qu’un seul intermédiaire. Agrilocal est né en 2011 dans la Drôme, et a essaimé dans 40 départements en France. Il est financé par le Conseil Départemental et géré par la Chambre d’Agriculture.

Le fonctionnement est simple : les agriculteurs s’inscrivent en ligne et détaillent leurs produits (signes de qualité, saison, mode de production, volumes, tarifs, périmètre de livraison) ; la restauration collective lance les commandes (code commandes publiques) et les agriculteurs concernés reçoivent une notification par mail ou SMS. L’agriculteur y répond s’il est intéressé.

Il existe deux types de commandes : accord cadre avec engagement de livraison établi à l’avance ; de gré à gré, plus ponctuel, et au dernier moment. Les agriculteurs peuvent entrer directement en contact avec les acheteurs, et il y a également un ‘push producteur’ où les producteurs peuvent proposer des produits aux clients du site. Mais il n’est pas possible de commander des ‘fruits’ (cf. marché public), il faut bien spécifier une espèce précise. Les volumes commandés sont très différents en fonction de la structure qui commande.

A ce jour, il y a plus de demande que d’offre, c’est donc un débouché potentiel à considérer !

  • Vendre auprès de restaurateurs

Cyril Vignon vend une partie de ses légumes auprès de restaurateurs, gastronomique ou classiques. Il a commencé en 2008 et propose une grande diversité de légumes. Les restaurateurs lui demandent ce qu’il a dans la semaine et composent leur menu en fonction. Ou alors les restaurateurs lui font des demandes spécifiques : mini légumes, légumes avec qualité gustative exceptionnelle… et il intègre ces demandes dans son plan de plantation. Il livre 2 fois par semaine, en même temps que la livraison à la Musette de Valentine.

 

  • Transformer ses fruits

Il existe différents types de transformation, les plus communs : jus, purées, compotes, confitures, fruits séchés. On peut également faire des fruits lyophilisés, mais c’est un processus coûteux (sous vide à -70°C), peu accessible (1 ou 2 unités en France), non adapté à tous les produits (ex. modification de l’aspect de la tomate) et qui concerne principalement des produits à forte valeur ajoutée (ex. produits pour sportifs). Il existe encore des produits transformés sous haute pression hyperbarique (=700 atmosphères !) pour conserver le goût (ex. jus premium). Certaines de ces technologies ‘high tech’ sont mal acceptées par les consommateurs (ex. irradiation des épices pour conservation).

 

L’avantage de la transformation, c’est que le produit va se conserver plus longtemps, et que l’on peut mélanger différents fruits, comme le jus pomme associé à un autre fruit (mais faible valorisation économique dans ce dernier cas).

Cependant, les agriculteurs sont face à de nombreuses questions, notamment la variabilité d’une espèce ou d’une variété pour ses qualités de transformation. Par exemple, un fruit à chair ferme ne va pas donner obligatoirement une purée « compacte ». Les saveurs et arômes sont complètement différents une fois que le produit est transformé. Or actuellement, les caractéristiques technologiques des variétés choisies pour de la vente en frais sont encore relativement méconnues !

  •  Sécher ses fruits et pour commercialiser un mélange muesli

Hélène Fléchet est agricultrice et a planté un verger composé de baies en haies fruitières très diversifiées, dans le but de vendre des mélanges muesli en circuit court (goji, amélanchier, aronia...), avec un complément de 10% de fruits à coque en approvisionnement local. Le séchage des baies est réalisé sur claies au soleil en été, ou avec des séchoirs solaires et électriques pour les baies de goji en novembre-décembre.

Il y a également des plantes aromatiques entre les arbustes (valorisables séchées).

  • Transformer ses fruits… en glace !

Emma Caschetta  gère les achats de fruits chez Terre Adélice (07) et nous explique les spécificités de la transformation des fruits en glace et sorbets, et la stratégie d’approvisionnement de son entreprise.

Ces sont en premier l’acidité et les arômes qui sont recherchés, car le sucre est ajouté lors du processus d’élaboration des glaces. Terre Adélice cherche à s’approvisionner au maximum localement, et propose aux producteurs des contrats de 3 ans (volumes et prix garantis) après 1 année d’essai. La qualité est définie dans le cadre du partenariat qui est mis en place, et tient compte des contraintes : fruits sains mais sans exigence esthétique.

Les volumes minimums de fruits varient selon les parfums. Il y a également de la souplesse, ainsi des lots de fraises peuvent être livrés au dernier moment, par exemple à la fin des marchés de producteurs. Les fruits sont transformés en purée surgelée et la fabrication des glaces ou sorbets est faite au fil de la saison.

  • Se déplacer pour transformer des fruits : Unité de transformation mobile

David Page, chercheur à l’unité SQPOV INRAE Avignon, nous parle des unités mobiles de transformation, sur le principe des bouilleurs de crus qui se déplaçaient dans les fermes ou sur la place des villages.

Une étude est en cours pour répertorier les ateliers mobiles existants et décrire leur relation avec les arboriculteurs (volumes, accessibilité), leurs méthodes de travail (ex. assemblage ou pas de variétés) et la nature des produits élaborés. Au-delà des seules motivations économiques, ces ateliers mobiles très en lien avec le milieu associatif, portent des dimensions humaines et sociales fortes !

Ces ateliers mobiles pourraient permettre de retrouver de la biodiversité en culture et une variété de produits dans l’assiette.

Beaucoup de transformateurs sont ‘mono-produits’(ex. pressoir) car il n’est pas toujours évident d’avoir des ateliers multi-produits nécessitant diverses machines (autoclave, raffineur etc ) pour offrir des solutions modulables ! A terme, la mise au point d’un nouvel atelier modulable et ‘vertueux’ d’un point de vue énergétique (co-génération vapeur, solaire...) représenterait un progrès indéniable pour la transformation.

 

Comme nous avons pu le voir parmi ces quelques exemples, il existe une grande diversité de valorisations possibles des productions fruitières pour trouver et peut-être combiner, à son échelle et en fonction de ses productions et de ses envies, les solutions les mieux adaptées.

 

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