Café agro du 8/04/2022 - Des haies pour le verger

Café agro du 8/04/2022 - Des haies pour le verger

Le 8 avril, une trentaine de personnes se sont réunies au domaine de Gotheron pour discuter de la thématique ‘Des haies pour le verger’. Le café agro s’est organisé entièrement à l’extérieur le long des haies du domaine, dont les plantations ont commencé dans les années 80 en remplacement de haies classiques de peupliers et de cyprès, soit 8 km de haies pluri-spécifiques implantées sur le site. Invités du jour : Sylvie Monnier (Mission Haie), Jean-Michel Ricard (Ctifl de Balandran), Sylvaine Simon et Alexis Rodriguez (INRAE Gotheron)

La haie, un brise-vent et une barrière naturelle

Les effets brise-vent des haies sont souvent recherchés pour limiter la verse des céréales, la chute de fruits dans les vergers, ou encore les déficits de pollinisation. Mais les haies brise-vent peuvent aussi freiner l’évapotranspiration et réduire les écarts de température. Une haie protège généralement du vent sur 8 à 12 fois sa hauteur si elle est semi-perméable. La porosité de la haie est importante : elle doit être suffisamment perméable pour limiter la formation de turbulences et les risques de gel au printemps par stagnation d’air froid.

Des effets de concurrence ont été constatés pour différentes cultures sur 2 fois la hauteur de la haie à proximité de celle-ci. Cependant, au-delà de cette distance, la haie favorise la culture et permet d’augmenter le rendement de 10 à 20% en comparaison à des cultures de même type situé dans des parcelles ouvertes : le bilan global pour la parcelle est donc en faveur de la haie.  

Les haies font office de barrière végétale et limitent les dérives de pesticides d’une parcelle à une autre, de manière plus ou moins importante en fonction de la porosité de la haie.

Les haies constituent de très bon filtres à polluants au niveau racinaire, mais aussi au niveau du feuillage. Elles ont notamment la capacité de réduire de 40 à 60% les odeurs grâce aux cortèges bactériens présents sur leurs feuillages. Par ailleurs, les haies de bord de route ne sont pas valorisables dans la filière bois-énergie par rapport au fait qu’elles sont chargées en métaux lourds à cause de leurs propriétés filtrantes du milieu.

La haie, un habitat favorable à la biodiversité

Si les haies implantées sur le site de Gotheron sont tout d’abord des brise-vent, l’étude de leur peuplement a commencé dans les années 90 pour connaître la faune entomologique qu’elles hébergent. Les haies présentent en effet une diversité d’habitats et de ressources en nourriture pour la faune en général (oiseaux, petits mammifères dont chauve-souris, arthropodes, reptiles...), mais également pour de nombreux auxiliaires des cultures.

Ces travaux ont permis d’identifier plusieurs principes pour choisir les essences à implanter dans la haie dans un objectif de renforcer la prédation des ravageurs du verger :

  • Tout d’abord, éviter d’implanter des espèces connues pour héberger des maladies ou des ravageurs de quarantaine ou préoccupants ; les haies constituent des linéaires qui sont des corridors pouvant favoriser la propagation de pathogènes (ex. l’aubépine, hôte du feu bactérien...). Il est difficile de prévoir ce que seront les ravageurs dans 20 ou 30 ans (ex. le sureau est hôte du ravageur récemment arrivé Drosophila suzukii) mais l’intérêt d’une haie pluri-spécifique est de pouvoir –si nécessaire- conserver ses fonctions même si on doit supprimer une de ses essences.
  • Utiliser des espèces riches en auxiliaires : par ex., les espèces ayant des feuilles à forte pilosité hébergent généralement un peuplement plus riche que les espèces à feuilles lisses (la pilosité retient des pollens consommés par des petits insectes ou acariens, eux-mêmes consommés par des prédateurs). De nombreux guides édités régionalement, qui intègrent de plus les conditions d’adaptation des espèces au sol et au climat, permettent de disposer de listes d’espèces dans cet objectif.
  •  Organiser une succession de ressources tout au long de la saison : abri d’hibernation avec des essences à feuilles persistantes (ex. viorne tin, nerprun alaterne, arbousier, certains eleagnus...) ; nourriture précoce (ex. pollen du noisetier et saule ; floraison d’hiver du viorne tin, des plantes aromatiques...), qualitativement importante pour la reproduction ; des proies de substitution (ex. psylles de l’arbre de Judée, du frêne ; pucerons du sureau, du noisetier… ces insectes étant spécifiques, ils ne sont pas ravageurs en verger mais constituent un ‘garde-manger’ pour les auxiliaires) ; nectar et pollen lors des floraisons de saison (ex. sureau, cornouiller, viorne lantane...) puis d’automne (ex. arbousier, lierre...) et hiver (viorne tin, nerprun alaterne), attractifs pour de nombreux groupes d’auxiliaires, notamment les prédateurs de pucerons (Hyménoptères parasitoïdes, syrphes…).

Exemple d’une haie visitée lors du Café Agro visant à favoriser les prédateurs de psylles et de pucerons : abri et ressources pour les auxiliaires attendus

image haie double

De manière générale, les effets d’une haie sur le verger sont de l’ordre de 50 m, plus ou moins en fonction de la capacité de déplacement des auxiliaires. À noter que pour un verger, il est plus intéressant d’avoir des haies perpendiculaires aux rangées de fruitiers pour favoriser l’exploration du verger par les auxiliaires qui prospectent généralement en suivant des linéaires. Cependant, il reste assez difficile d’attribuer un effet individuel à une haie. Celle-ci aura un effet bien plus important sur la biodiversité si elle est intégrée dans un maillage au niveau du paysage que si elle est isolée. Ainsi, la longueur, mais aussi le découpage du parcellaire va jouer sur la biodiversité.

Il est donc envisageable d’utiliser les haies comme un levier de régulation contre certains ravageurs et en particulier contre ceux qui peuvent être tolérés dans le verger à des niveaux de population relativement élevés : acariens, psylles, certains pucerons (travaux INRAE Gotheron).

Par ailleurs, les haies peuvent aussi présenter un intérêt pour le soutien des différents pollinisateurs. Les haies multispécifiques avec une floraison étalée sur toute la saison et plus particulièrement en début et fin de saison seront les plus intéressantes pour fournir une source de nourriture aux pollinisateurs et maintenir leur population.

Pour finir, les haies ont un fort intérêt pour les oiseaux, en proposant un habitat riche, dont des cavités pour les oiseaux nicheurs quand la haie est âgée. Les chauves-souris vont également s’y abriter et se déplacer le long des haies pour chasser. Nombreux animaux vont longer les haies pour se déplacer, tout en diminuant leur risque de prédation (petits mammifères tels que fouine, belette…).

 

Planter et entretenir sa haie

Il existe différentes aides à la plantation. Selon les régions et les départements, différentes structures accompagnent les agriculteurs (conseil, aide financière, fourniture de plants).

Il est vivement conseillé de choisir des essences locales, adaptées aux conditions pédoclimatiques et dont le lien avec la biodiversité est favorisé. Il peut être intéressant de faire soi-même des récoltes de graines pour choisir les graines des plants les plus vigoureux. Enfin, une haie multi-strate se construit dans le temps avec plantation des ligneux et des pratiques permettant l’installation d’une strate herbacée et de lianes (ex. lierre sur hauts-jets).

Il vaut mieux favoriser les plants qui ont poussé dans des conditions limitantes, car leur reprise sera facilitée, ainsi que des petits plants jeunes qui reprendront mieux que des plants plus âgés.

La vitesse de croissance de la haie est liée aux essences implantées, à la gestion de l’herbe (concurrence pour l’eau) et aux pratiques (irrigation ou pas...). En lien avec le changement climatique, l’irrigation systématique des haies n’est plus conseillée : certes, la haie poussera moins vite sans irrigation ou avec quelques irrigations de survie, mais elle résistera mieux dans le temps aux déficits hydriques.

Selon le type de port d’arbre souhaité (haut-jet, bourrage...), une taille est nécessaire les premières années pour élaguer les branches basses (haut-jets) ou a contrario couper l’axe principal (arbustes de bourrage).

Quand la haie est adulte, on peut la couper au lamier vertical pour limiter sa largeur et son emprise au sol. Une largeur de 2-3m pour la haie est le minimum conseillé. Il est intéressant de ne pas faire de coupe au lamier tous les ans et de ne pas faire les 2 côtés simultanément. La production de biomasse (par ex pour produire du broyat) à partir des élagages de haies est peu élevé, d’autant plus que la haie est âgée : ce n’est pas une ressource valorisable dans le cas de haies brise-vent classiques.

En fonctions des essences choisies, la durée de vie d’une haie est variable, d’une trentaine d’années pour les essences à croissance rapide telles que les aulnes, au double pour les chênes, tilleuls et châtaigniers… Il faut donc prendre en compte le renouvellement des haies pour pouvoir conserver tous les effets attendus au fil du temps.

En fonction des essences, on pourra recéper un arbre, pour favoriser un nouveau départ à partir de la souche et bénéficier du système racinaire existant. On peut receper la totalité d’une haie pour que celle-ci reparte sur une plus grande densité, mais cela fera perdre temporairement la majeure partie des services attendus.

Les feuillus (peupliers, saules, aulnes, châtaigniers, charmes, tilleuls, ormes, érables, mûriers, frênes…) se prêtent bien au recépage, contrairement aux résineux.  Cependant, dépassé un certain âge, les arbres se recèpent moins bien voire pas du tout.