Café agro "Pollinisateurs"

Café agro « Les pollinisateurs pour le verger et le verger pour les pollinisateurs » le 09/03/2023

Une trentaine de personnes se sont réunies à INRAE Gotheron pour échanger sur les pollinisateurs, leur biologie, leur efficacité en verger et différentes approches pour les favoriser le 09 mars 2023

Les pollinisateurs sont essentiels au cycle biologique de nombreuses plantes à fleurs qu’ils visitent et butinent pour consommer nectar et/ou pollen, avec de nombreuses d’espèces (ex. abeilles) pouvant exploiter une diversité de fleurs.

De nombreux insectes pollinisateurs sont présents en France. En termes de pollinisation, les plus performants sont les Hyménoptères, avec les abeilles, bourdons et osmies, puis les Lépidoptères (papillons), et enfin des groupes moins performants comme les Diptères (syrphes), et certains Coléoptères… qui vont avoir une action action de pollinisation plus ou moins effective en visitant les fleurs.

Les arbres fruitiers vont avoir besoin d’être pollinisés au printemps, sur une période courte. Les arboriculteurs peuvent se demander si on peut se contenter des insectes pollinisateurs de l’environnement, ou s’il faut installer des ruches par exemple. En effet, la période de floraison des arbres fruitiers est courte et la pollinisation des fleurs est primordiale pour assurer le rendement (à l’exception des pêchers et de certaines variétés d’abricotiers, autofertiles).

Par ailleurs, le butinage en verger n’est pas forcément spectaculaire comme dans les champs de lavande, il y a beaucoup de pollinisation que l’on ne voit pas, et même de la pollinisation nocturne par certains papillons.

Les pollinisateurs et leurs spécificités

Les abeilles sauvages

Il existe 850 espèces d’abeilles sauvages en France, dont 600 dans le Sud, et 1600 en Europe. Les osmies sont intéressantes en verger. Elles ont une seule période de butinage d’une quinzaine de jours par an, et une seule génération par an. Le mâle éclot début mars puis c’est la femelle ; ils se reproduisent, et construisent le nid là où la femelle est née. Il y a nourrissage puis nymphose des larves qui entrent alors en diapause dans un cocon et attendent le printemps suivant pour émerger. Fin avril, il n’y a plus d’osmies en activité de pollinisation.
C’est un des principaux pollinisateurs en début de printemps.
Les osmies sont très poilues, avec des scopa (brosse de récolte du pollen des Hyménoptères) sous le ventre. Elles transportent et disséminent le pollen partout. Elles sont rapides, prospectent et travaillent dans des conditions de lumière et de températures plus basses que l’abeille domestique.

Les abeilles domestiques Apis mellifera

Les abeilles domestiques sont les pollinisateurs des cultures les plus connus.

Les abeilles ont une activité à partir de 10-12°C ; elles calent leur activité sur la capacité des fleurs à délivrer du nectar. Les éclaireuses identifient les ressources et ne se focalisent pas sur une seule espèce. En période haute, 40 000 insectes d’une ruche butinent sur plusieurs modèles de fleurs, ce qui signifie qu’il faut de la ressource quantitative mais également plusieurs ressources différentes. Cette exploration évolue dans la journée. C’est le cas pour un rucher sédentaire, qui s’adapte à son écosystème régional, à l’inverse d’un rucher en transhumance, qui dépend d’une miellée principale.

 

Le bourdon Bombus terrestris

Le bourdon Bombus terrestris est intéressant car actif en conditions de température et de luminosité basses, et est plutôt actif en mai-juin. Il pollinise en faisant vibrer les fleurs. Les souches de bourdons introduites via des ruches (ex. pollinisation sous serre) sont plus précoces que les souches locales.

 

Les papillons, Diptères et Coléoptères

Il existe des papillons diurnes et nocturnes, dont certains sont inféodés à une seule espèce.

Clément Chauvet, de la LPO, explique que les papillons ont leur stade larvaire sur une plante-hôte plus ou moins spécifique selon les espèces, puis vont faire leur chrysalide, et devenir papillon.

En termes quantitatif, ils sont moins efficaces que les Hyménoptères, mais ils ont une trompe plus longue, et prospectent donc certains types de fleurs inaccessibles aux autres pollinisateurs . Ils sont présents dès le mois de mars jusqu’aux premiers gels, mais leurs conditions de vol optimales sont de 15-35°C en général. Les gros papillons résistent mieux au vent et ont une plus grande longévité.

 

Certains Diptères et Coléoptères floricoles peuvent aussi avoir une action pollinisation.

 

Les aménagements favorables à la biodiversité et aux pollinisateurs

Les pollinisateurs ne sont pas particulièrement favorisés par les milieux agricoles actuels : créer un environnement favorable à une diversité de pollinisateurs est également bénéfique à un ensemble d’insectes, et réciproquement. Cela passe par un environnement diversifié, notamment une diversité végétale qui offre des possibilités de ressources et d’habitats pour accueillir une diversité d’insectes dont les pollinisateurs, en vue d’une plus grande résilience. La maille paysagère est importante : taille des parcelles agricoles, habitats semi-naturels et leur connectivité.

 

Florian Boulisset, de la LPO, conseille d’installer des haies diversifiées avec des essences locales, qui ont un étalement de floraison, et des fleurs qui produisent nectar et/ou pollen. La gestion « douce » de la haie et sa strate herbacée sont prépondérantes. Les ronces, lierre et orties, qui s’installent naturellement, sont des plantes nourricières pour les pollinisateurs.

La gestion de l’enherbement des bords de parcelle, talus, tournières, interrangs et zones tampon a un impact fort sur la diversité floristique et sur la diversité et l’abondance des insectes.

Le broyage régulier et la fertilisation favorisent le développement des graminées, pauvres pour les pollinisateurs.

A contrario, des zones à enherbement ras sont nécessaires pour avoir du sol nu et favoriser les espèces de pollinisateurs terricoles qui font leur nid dans le sol.

Un milieu avec présence d’eau est important pour les osmies et tous les Hyménoptères qui sont à l’origine des espèces de ripisylve. Mais si l’abeille domestique peut fréquenter des abreuvoirs, pour tempérer la ruche (et non pour boire), les abeilles sauvages ne s’abreuvent pas.

Il y a également la possibilité de mettre en place des intercultures et des couverts mellifères dans les parcelles agricoles.

Pour finir, l’utilisation de produits phytosanitaires doit être raisonné avec attention car leur impact est important (application mais également exposition des insectes après application lors du butinage).

 

Les interactions entre pollinisateurs... au bénéfice du verger 

Les pratiques apicoles affectent la génétique des colonies, leur concentration et les ressources nécessaires pour produire du miel. On peut se questionner, lors des transhumances d’abeilles domestiques, si leur arrivée massive sur une zone n’est pas néfaste aux autres pollinisateurs. Guy Rodet, d’INRAE, explique qu’on peut être en situation de compétition avec les abeilles sauvages, avec des ruchers de 80-100 colonies. Les abeilles sauvages de la même taille que les abeilles domestiques sont repoussées au-delà de la zone d’activité du rucher. En garrigue de romarins par exemple, elle est d’environ 600 m. Dans cet espace, les abeilles de même taille qui ont les mêmes capacités que les abeilles domestiques sont repoussées au-delà de ces 600m.

Pour les abeilles sauvages, la taille donne une estimation de la façon dont elles prennent en considération l’endroit, et les plus grosses vont prospecter plus loin. Il peut exister de la compétition pour les petites abeilles qui ne butinent pas pareil qu’Apis mellifera et ne peuvent pas aller plus loin. Cependant, les abeilles sauvages proches des ruchers survivent. Elles sont capables d’aller sur d’autres fleurs, ne sont pas spécialisées. Les abeilles n’ont pas un comportement de préférence des fleurs même s’il y a une habituation. Ceci est vrai quelle que soit l’espèce d’abeille.

 

Voilà pourquoi on entend souvent que plus il y a de pollinisateurs différents dans un verger, plus la pollinisation augmente : il y a compétition, et donc émulation. Les abeilles domestiques vont réagir aux « intrus » et devenir plus actives.

Par exemple, l’activité directe de l’osmie augmente l’activité des abeilles domestiques.

 

De cette idée est née l’association Abeille Rousse, représentée par Jean-Marc Cheyrias, qui travaille sur 2 espèces d’osmies (Osmia cornuta et O. rufa), dans le cadre de cette association de préservation et de sauvegarde des abeilles sauvages. https://www.abeillerousse.fr/

Elle préconise l’utilisation de l’osmie sur les fruitiers à floraison précoce comme les abricotiers, amandiers, cassis...

L’objectif est de ré-introduire des osmies sur le long terme et de les maintenir en les multipliant dans leur milieu naturel. Cette multiplication, accompagnée techniquement par l’association, est à la charge des arboriculteurs, et permet de faire prendre conscience de l’enjeu des pratiques agricoles sur la biodiversité, ici les pollinisateurs.

La suite des échanges s’est déroulée en extérieur, à la recherche des pollinisateurs présents. Nous avons pu également voir différentes haies, fleurs et aménagements qui favorisent les pollinisateurs

 

Photo 09/03/23

Date de modification : 12 juillet 2024 | Date de création : 12 juillet 2024 | Rédaction : MA